Libé - Avec son album «Toujours plaire», Julia Jean-Baptiste le cœur lourd et la tête haute

La Lyonnaise prend un virage rock dans un second album où elle évoque avec panache ses chagrins et ses fêlures.

Sur la pochette de son nouvel album, Julia Jean-Baptiste s’affiche bravache. Toute de cuir vêtue, le port altier et les cheveux gominés, accroupie, les jambes écartées, sur une table déjà dressée, la Lyonnaise défie ses convives, un pied de biche calé sur l’épaule gauche. Une attitude guerrière, virile, qui se refuse à toute forme de domination : l’intention est à l’opposé de celle de ses débuts. La chanteuse aux trois prénoms, comme elle aime à se surnommer, a essuyé à seulement 18 ans les plâtres du star-system en poussant joliment la chansonnette sur la scène de la Star Academy avant de se faire timidement un nom sur la scène indé dans les groupes Nouvelle Vague et Paradis.

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Yoanna chante "Nager"

20 déc. 2024

Tendre et rebelle, douce et volcanique. Elle est comme ça, Yoanna, libre, sincère, vraie. Débarquée à Grenoble il y a vingt ans son accordéon en bandoulière, cette artiste grandie à Genève a tracé son sillon en solo puis avec quelques musiciens alpins, avant de croiser la route de Mathieu Goust, musicien multiinstrumentiste. Ensemble, ils composent des chansons à textes aux sonorités urbaines teintées d’électro-pop. Le souffle de l’accordéon dialogue avec les percussions tandis que la plume de Yoanna raconte des histoires tantôt introspectives tantôt universelles. L’amitié, l’amour, voisinent avec des thèmes plus durs, la maladie, l’inceste, les violences du quotidien.

Des mots trempés dans l’encre noire, empreints d’émotion, de poésie que Yoanna chante tantôt avec douceur tantôt avec une rage contenue. Délivrer un message oui, mais toujours avec l’idée de laisser à chacun sa part d’interprétation. Si l’écriture est un des moteurs de Yoanna, le second, c’est indiscutablement la scène. « J’aime voir les gens, guetter les regards, jouer avec eux. Je capte tout : un sourire, une émotion. Je suis comme une éponge, je ressens tout ce que le public me renvoie ».

Mathieu et Yoanna apprécient l’intimité des petites salles, comme le petit théâtre de l’Arrache-cœur à Avignon où ils ont électrisé les festivaliers trois étés de suite. Parmi les dernières dates cet automne, le festival Brel à Vesoul est à marquer d’une pierre blanche. Le duo y a gagné le prix du public et celui du jeune talent ! Elaboré à Kaparia sur une île grecque, terre de Mathieu, « Au bord », leur nouvel album sortira début 2025. En attendant de vous embarquer dans leur odyssée ulyssienne, le duo de Yoanna nous en offre un avant-goût avec trois superbes morceaux pour Studio trois. A écouter sans modération en sirotant un ouzo bien frais, avec modération bien sûr !

Au bord, l'album de Yoanna

Nos Enchanteurs, Michel Kemper - Yoanna, au bord d’elle-même

Si tous me semblent d’excellence, pas un seul album de Yoanna Ceresa ne ressemble au précédent. Et vraisembla- blement au suivant. Elle ose tout, se jette s’il le faut dans la fosse. Dans la fosse ou, comme ici, dans la mer, où elle est comme sirène. Souvenez-vous, nous l’avions laissée en cris, tambours et masques de guerre, dans la colère d’un implacable disque sur l’homme bestial dans son rapport à la femme, un disque (2^e sexe) violent dans son propos, dans le moindre de ses vers, qui a dû mettre à mal nombre de mâles. A la tempête de cet album passé succède le calme apparent de celui-ci : rien que le visuel aspire à la pleine sérénité, au détachement : « Je vais nager / Du matin jusqu’au soir / Ne plus respirer / Ne plus parler / Ne plus croire / Plonger / La tête en avant / Sans regarder le fond ».